la maison

montagne de mon enfance
le soleil était joueur

nous laissions la voiture au bord du torrent
des fraises brillaient sous la rosée du talus

marques jaunes et blanches
au lacet débouchant du sous bois
c’est le moment d’ôter le pull
longue prairie qu’un fil en travers coupait électrique

les brebis dans leur panique entrechoquée
de leur dialogue lancinant
perçaient la calme rumeur du matin

au col bifurquer à nouveau
contournant les cendres parfumées d’un feu récent
le sentier d’un seul coup devient raide

nous nous faufilions tour à tour
dans le passage escamoté
que les vieux du pays connaissent
la muraille profonde y garde l’ombre fraîche
ne pas déraper se rétablir

le sentier virait sur le balcon d’une arête calcaire
en contrebas dédale de rocs et de gorges secrètes
des touffes de thym de leur parfum rugueux
emplissaient l’air torride qui nous écrasait

quelques pas entre les buis puis d’un coup
descendant doucement à nos pieds
la docile prairie d’un vallon suspendu
épilobes martagons bruyères gentianes
oeillets centaurées genêts
tout un contrepoint de couleurs et de parfums
où dormait une maison perdue

la paix m’accompagnait
sous la chaude lenteur du soir
et sans un mot
je m’abandonnais

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