Silence à Montparnasse

Ami pour Montparnasse on va prendre le bus
Avec sur nos genoux juste un plant de crocus
Dans un ancien pot de yaourt au bifidus.
Posons-le sur la tombe où repose Dreyfus,
Qu’ont oublié tous ceux qui n’aiment pas les gus
Qui vivent autrement, les Calas, les Jan Hus,
Le peuple de juillet, encombrant de cujus,
Les suppôts de Commune ou rouges Spartakus,
Les femmes affrontant le solaire phallus.
Ces braves au cœur d’or disent des orémus
Dans leur jardin de rose où fleurit le prunus,
Caressent leurs voisins comme des octopus,
Disent des mots plus doux que le sucre de Qûs,
De leurs vers amoureux couvrent les papyrus.
Mais d’un coup l’on sursaute. Est-ce donc un lapsus ?
Qui parle de briser jusque dans le fœtus
Ce qui ternit l’Etat comme peau le naevus ?
A Warszawa d’autres l’ont dit, à Krakow, us
Etrange. Aura-t-on rangs de pierres et taxus
Pour remplacer dans un froid silence nos ZUS ?


Gérard Le Goff ayant mis hier sur la liste Oulipo un nouvel exemple de G20 -contrainte qu’il a introduite il y a quelques temps, dérivée de l’alpharime– m’a donné l’idée d’essayer cette contrainte sur une rime en « us ». Comme souvent en oulipisme, la contrainte précède le sens du texte, qui se découvre en l’écrivant : celui qu’on obtient ici me plaît tout à fait.
Posté sur la liste Oulipo le 29 novembre 2015.

Oripeaux : Précédent Suivant