Révolution

Cette page spéciale du Sankulipo célèbre la sixième sans-culottide, ce jour qui n’apparaît que lors des années bissextiles. Ce jour porte le nom magnifique de « Révolution ». Pour le 29 février chacun était invité à composer, sur le nom de ce jour, un poème suivant la contrainte de la belle absente chère à Georges Perec. Vous trouverez ci-dessous l’ensemble de ces contributions, dans l’ordre où elles me sont parvenues :

Que le monde est bien fait ! Je le change en pavés…
Pourquoi vagir ? Jamais ! Touchons bois du fusil !
À bas, roi ! Je permets que le chagrin défoule
chaude pique et bagnards : j’enflammerai Versailles !
Hein ! Putain du bon roi qui fais juger vicomte,
des coqs vont te grimper, le joli bal s’affiche !
Bravo ! Champagne à qui gifla les joues de Louis !
Aux fers va-t-en, déchu que juge mon beau peuple !
Je plaide, griffe et bec. Que ma hargne survive !
Vite ! Dehors les chefs ! Juge, ma République !

Bernard Maréchal

 

Desmoulins au gibet, vache joufflue qui pue,
pâlot qui n’a jamais fui vos brigands chouans,
pourquoi Couthon blafard limoge-t-il Saint-Just ?
Quand Mirabeau vengeait les chefs, Hébert jappait.
Fouquier, gros chien bâtard qui va jouir aux baptêmes
va-t-il saigner, fier coq ? Déjà proche, mon brave
écrivaillon, biographe qui jamais deux fois
n’épargna Joubert défunt, va masquer Charlotte
que j’affranchis à temps, graves hallebardiers !
Bœuf qui juge voudrait castrer l’homme Capet ?

Bernard Maréchal

 

J’ai guinché d’un pas vif quand tomba la Bastille,
Disculpant l’humain fou jusqu’à rugir : bravo !
Dieu ! Marianne est jolie, qu’un bonnet phrygien coiffe…
J’ai vu, grand beau chant neuf, l’épique Marseillaise
Faire embrocher jadis aux piques vingt cocardes
Tels des coqs : ergots fiers, jambes plantées, bravaches !
Prends, chômeur efflanqué, bourgeois, jeune ouvrier,
Le fameux drapeau bleu, blanc, rouge – et qu’on vous juche !
Jugeant pendable et vil qui s’acharne et diffame,
J’absous qui, comme Hugo, Ferré, veut parler d’elle.

Nicolas Graner

 

L’outre-ovni

Figé quand l’homme objective une ellipse
Juchant d’aplomb, qu’un si griffu vautour
Subjugue au fond chaque amplifié retour,
D’ahan j’embarque et fugue vers l’éclipse.

Qu’au bord je fiche un temps gravitation ?
Déjà cinq champs forgent l’observation
Jusqu’à l’ogive, humble oeuf pour décennie.

Lorsque vos chants flambent, juge Doppler,
Jupiter flashe, embecque et vend génie…
J’achève et tombe, esquif gris de Kepler.

Gilles Esposito-Farèse

 

Je fais l’Ode qui change en plomb l’évolution.
Djougachvili, fils taquin, plomba Vladimir,
Et Marx, un jour qu’Engels, affranchi du baptême,
Digne, jurait que l’affranchi vaut plus à Brême,
Franchit grand bras de mer, provoquant Fred à jouir.
Déjà le coq Trotski (flegme !) voit Pancho bon.
Quels poncifs ! Rosa Luxembourg versus Hodja ?
Castro, chef des jaloux qu’au plomb Mao vengea ?
Kremlin, fusils chargés, java quand Berlin pète ?
Va, Spartacus, objet magique, fils d’Ilitch !

Bernard Maréchal

 

La Révolution,maintenant !

D’aucuns disent que les voilà passés ces temps, qu’ils ne sont plus imaginables…
« « Nous voulons du pain », criait la population, conspuant patrons, nantis »*
Assurément, « celui-là seul est digne de la liberté, qui sait la conquérir »**.
Refuser la servitude. Fini, l’anesthésie médiatique et la patience !
Choisir de vivre, oser être insoumis, se dresser contre eux :
les politicards, les milliardaires à la lanterne, les économistes valets avec !
Courage ! Soulevons-nous ! Élevons-nous, ! Brisons nos chaînes ! Libérons nos consciences !
Espérons une révolte pour fonder un monde juste et généreux.
Il y a une alternative à la haine et à la guerre, au libéralisme et au capitalisme.
Oui, rêver, résister et se dresser est possible ! Debout, libres, égaux et frères désormais !

* Georges Perec, La disparition, Gallimard, 1969
** Charles Baudelaire, Le spleen de Paris, « Assommons les Pauvres », 1869

Marie-Noëlle Bertrand

[La contrainte suivie par M-N Bertrand diffère de la belle absente usuelle: Ici chaque ligne doit être exempte de la lettre correspondante du nom à honorer et doit en revanche comporter toutes les lettres de ce nom.]

 

Évolution, as-tu oublié ton initiale ? Pique à gauche, mon Ducon … ou je te défie:
« Abracadabra ! Figliliviti ! Phomotoquoto ! Stujunucunu ! »
Syllabes magiques, jupes de filles, chignons de mots… Trop
De charabia, de bavures en jérémiades, de gaffes en piteuses querelles ;
Que vivent nos imaginations ! Affichons nos peurs ! Brandissons nos joies !
Hier il fallait se taire… ben merde, pas d’accord ! Le coq cocoricote, viens, jalonnons les grottes,
Jouons, dévalons de la cime des falaises à la rivière où l’herbe de la berge nous pique…
Tels les scarabées fous du gang des coqs, avançons sur le thym des sentes juponnées
De filles à la vanille, de gars au banania, de vaches à la cuisine, de chats au ratafia, de jules à la manille, de pipes au quinquina !
Vas-tu soulever la digue de pavés pour que jaillisse la biche qu’elle camoufle?

Nic Sirkis

 

Noisette magique
déchois-tu jeune absolu
voeu patafisique
Houblon parfois dru
j’ai par ton gai chant acquis
l’immoral voulu
Sorgho bien joli
tu charmes prés en délice
lorsque tu fleuris
Timide écrevisse
qui nargue le bec happeur
fébrile jaunisse
Bigarade au coeur
dur comme un bijou de rêve
fiché quiet sans peur
Verge d’or ta sève
joint coq en pâte et blinis
le massif l’achève
Maïs en épis
chaque joie épiscopale
fond en bonds gravis
Marron qu’une Omphale
a vu débuter le clan
jeunesse frugale
Panier bienveillant
qu’enrichit le fier rebut
jardins d’agrément
Jour de la Vertu
bascule au charlot lubrique
formel peu goulu

ce ci-devant chef la révolution plurielle égale en jambique

Rémi Schulz

[  Voici l’explication jointe par l’auteur : Ma contribution, écrite ce jour, utilise le fait que la seule lecture en négatif de REVOLUTION dans le calendrier républicain part du jour de la NOISETTE, le 8 septembre qui est aussi le Jour de l’An ‘pataphysique, et aboutit au jour de la VERTU, le premier sans-culottide.
J’ai donc pondu 10 haïkaï en belles absentes, soit 170 pieds correspondant à la gématrie de REVOLUTIONS au pluriel, d’où un dernier vers pour en rendre compte. ]

 

Change au levant mon cap. Jusqu’au diable je souffle.
Fourguant branlants pouvoirs, quand j’avilis mon chant,
Dégonflant mon jabot, choisis quitter pantoufle.
Je chasse du quartier grave flambeur, prêchant
Abject coup de pub. Mords faquin vague aguichant.
Le poing levé jetons nasdaq, baffons  marchand.
Les gars, joli chambard va paniquer maroufle.
Fouette joue, rauque vent de sable : orage au champ
Ne plie vigne et blé mûr qu’au jardin vais fauchant.
Beau, déjà haut, magique espoir, vole l’écoufle.

Noël Talipo