dans le cercle de lumière
il vient d’entrer
tout autour claquent des mains joyeuses
il sourit
une soif imprègne les visages qui se fixent
le voilà sur le tabouret
un peu penché vers le colosse noir
son front s’incline
ses mains posées sur les genoux
il s’entretient avec un personnage caché
aucune parole murmurée
son visage est grave
le silence déjà s’enfle des fulgurances qui vont surgir
rubatos puissants accords glissandos
trilles accélérations voltiges et syncopes
indicibles havres de douceur
où l’âme se découvre
il attend encore un peu
dans le cercle de ferveur
tension des souffles retenus
des yeux qu’hypnotise cette main droite
maintenant elle s’élève
se pose précise sur le clavier
cette main s’étire et s’incurve
s’imprime sur les touches d’ivoire
tout mouvement est suspendu
nul ne sait comment elle est venue
dans le cercle de silence
de quelle pression ténue
la première note
et le déferlement de l’émotion
A la mémoire du pianiste Christian Bernard.