El cualquier

Je suis le bœuf inconsolé qui rumine à jamais la poésie d’un zénith sans soleil. Je regarde sur les cimes le givre au matin s’illuminer puis m’effacer de sa mémoire.

Le jour durant j’écoute
Au fond de la vallée
Le grondement des fours
Et je broute

Demain s’ouvriront les deux battants du wagon bétailler. Mon dernier voyage, dans l’odeur du gasoil et le cruel jerk des aiguillages, y retentira de la plainte tranquille de l’animal qui sait l’homme créé

à l’image de la mort.


Le 1er avril 2018, Gilles Esposito-Farèse révéla sur la liste Oulipo une terrible nouvelle : un dépôt de brevet avait été fait sur la contrainte du prisonnier, entraînant une chaîne de prises de brevets sur l’ensemble des contraintes oulipiennes.
Ces nouvelles terribles m’ont comme vous tous atterré. La seule solution m’a paru être d’écrire des poèmes quelconques, c’est à dire dépourvus autant que possible de toute contrainte. Malheureusement on se heurte là à la même impossibilité que lors de la recherche du triangle quelconque cher aux profs de math. Un article paru il y a bien longtemps dans la Revue de Math Spé (je ne me rappelle malheureusement pas son auteur ni l’année) fait le tour de cette épineuse question. Le phénomène constant est que lorsqu’un prof dit « Prenons un triangle quelconque » et fait une figure au tableau, il dessine invariablement soit un triangle rectangle, soit un isocèle, voire un équilatéral. Tous les efforts de la gent mathématicienne pour conjurer cette malédiction sont restées vains, et l’article en explique les raisons, parmi lesquelles ceci : la recherche d’angles les plus différents possible et celle de côtés les plus différents possible donnent des résultats complètement différents.
Ici, c’est un peu pareil : si on veut éviter tout lipogramme, il est impossible d’échapper au pangramme. Pour approcher au mieux le but recherché, l’essai ci-dessus d’un poème quelconque n’est un lipogramme en aucune lettre, et chacune de ses phrase manque d’au moins deux lettres décomptées dans la belle absente, ne livrant ainsi aucun message. Le texte n’est ni en vers ni en prose, et les vers ne respectent pas la règle d’alternance. D’autres contraintes sont absentes : centon, prisonnier ( ouf, pas d’amende ! ), boule de neige, collier, le singleton récemment défini par Gilles Esposito-Farèse… Les plus observateurs reconnaîtront un lien de parenté avec un poème souvent cité par les Oulipotes, même si aucune vraie citation n’en est faite.
Posté sur la liste Oulipo le 2 avril 2018 à 24h31.

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