Poésie : l’or faste glisse

Il y a cinquante ans jour pour jour fut célébré dans l’indifférence le cinquantième anniversaire de l’éclair de génie qui amena Maurice Ravel à écrire sa plus célèbre composition. Ce jour-là se présenta à son domicile un admirateur nommé Gil El Positon Fariseo qui voulut lui montrer sa dernière œuvre. Le morceau ne valait pas grand chose, mais Ravel fut frappé du nom à particule -élémentaire- de son visiteur, et avant de l’éconduire lui en demanda la signification. Le jeune homme lui précisa que le Positon était hypocrite (fariseo) dans son impermanence même : seul un Graviton eût mérité quelque attention, ce qu’une lignée d’ancêtres s’était évertuée à expliquer depuis la nuit des temps. Cette tenace insistance était à l’origine de l’ostinato caractéristique du morceau qu’il présentait aujourd’hui. Une fois la porte refermée sur l’importun, Ravel jeta un coup d’œil sur la partition qu’il tenait encore à la main, y aperçut cet ostinato singulier : une illumination soudaine le jeta au travail et quatorze ans plus tard fut créé ce boléro magistral, où l’intuition fruste du jeune Gil se voyait transmuée en un chef d’œuvre.

Pour commémorer le cinquantenaire de ce cinquantenaire, voici un poème obtenu à partir de l’ouvrage initial en appliquant la contrainte harmonique sur son thème principal :
sol si mi mi mi mi mi mi si la mi si fa la fa la ré mi mi mi

Poésie : l’or faste glisse

Guenillard lourd et sourd, Gef soupant boit son litre, bouffe lard et bœuf sacré,
Grappille le dessert et, sans peur, sort subito. Son foulard roulé se serre.
Gravit l’allée ce soir de stupeur. Pousse sitôt son fringant rire sincère.
Guérit l’aile blessée de sept plaies dont son philtre rompt fil d’araigne secret :
Gracile aile dressée en suspens, vol sagittal gonflant sa rumeur sereine.
Gourd, il élève son lent soupir. Doux son vital offert au rieur sommeil.
Génie, lors, lance un sort, désir pur dont s’agite son fuyant rêve sélène.
Godille, libre, sûr tel serpent. Loin s’infiltre, confine au rouge soleil.

Voici le début de la partition :

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La partition peut être chargée en format pdf ici. On peut également entendre une version sonore de ce morceau que Valentin Villenave m’a fait l’amitié d’interpréter :


Ce poème et son introduction sont une contribution au «Blogef», un ouvrage collectif offert à Gilles Esposito-Farèse par 36 membres de la liste Oulipo à l’occasion de son cinquantième anniversaire le 15 février 2014.
Le boléro est écrit de sorte à permettre une application de la contrainte harmonique dure telle que chaque ligne doive appliquer cette contrainte sur les lettres
g-i-l-l-e-s-e-s-p-o-s-i-t-o-f-a-r-e-s-e
La partition a été écrite en utilisant le logiciel Lilypond et l’éditeur Frescobaldi.

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