Rigueur

Quels démons peuvent bien fléchir les juges ?
Preuve, bonheur froid, mange-les jusqu’au cœur.
Quand vont pourrir fringants baillis, rajas moustachus ?

Griefs qu’éméché vielleux débite, en prison jeté.

Son fou qu’un voyou groggy murmure sous un mur moussu.

Fougueux poète, qui vomis cet horrible donjon,
Apprends qu’homme fiable, en cage, va jouir
D’un joug de plomb, faveur qu’accordent lâches.

Mioche en perd jeu libre, ferveur grotesque.

Un jour, voulu courir hors fourgon commun.

Jour grognon, sous un redoux corrosif.

Jour où un garçon connut son bonheur dissous.

Pour un amour courtois voulut, pour chanter, un doux violon.

On posa sur son buste nu un brûlot. Ô choc fou ! KO, cou suppurant, involu, trompa tous ces gourous fourchus d’un vif lob hors mur clos.


Ce poème expérimente une nouvelle proposition de contrainte, dite contrainte logique. Elle est basée sur la Déduction Naturelle, système logique inventé par Gerhard Gentzen. Chaque strophe de ce texte correspond à une formule logique apparaissant dans la preuve suivante dont la conclusion est ( a -> e ) -> ( ( a -> i ) -> ( a -> e & i )). J’en donne l’explication dans le petit « cours de logique » proposé en page annexe :
[ a -> e ]
[a]
e
[ a -> i ]
[a]
i
e & i
a -> e & i
( a -> i ) -> ( a -> e & i )
( a -> e ) -> ( ( a -> i ) -> ( a -> e & i ))
J’utilise le codage suivant :
a, e, i : formules logiques de base
t : l’implication ->
d : le « et » logique &
p : parenthèse gauche
l : parenthèse droite.
Pour les formules entre crochets (formules « déchargées ») on procède en belle absente ; ainsi la première strophe est en belle absente sur « a t e » qui code « a -> e » .
Dans les autres formules, les lettres du codage figurent selon l’ordre de leur apparition; on intercale librement les autres lettres b c f g h j k m n o q r s u v w x y z. Ainsi à la formule « e & i » codée par « e d i » correspond à « Jour grognon, sous un rEDoux corrosIf. »
Notons que le choix des lettres dans le codage est totalement arbitraire. Ici le fait de choisir a, e et i pour nommer les formules logiques de base est pur masochisme, ces lettres étant celles sur lesquelles les contraintes sont les plus fortes.
Merci à Gilles Esposito-Farèse pour le testeur de pangrammes, outil idéal pour ce genre d’exercice.
Posté sur la liste Oulipo le 14 avril 2019.

Oripeaux : Précédent Suivant