Le jeune prince et la jeune princesse

Pourquoi désirer si fort l’oubli ?
Pourquoi regretter le décret précipitant nos peines,
Ce donjon qui raconte, cruel,
Notre lente succion par l’obscur terreau ?
Le souvenir remonte endeuillé
Recouvrir l’impossible amour, fugitive ferveur,
Et survit l’innocente rougeur feutrée,
L’onde courbe des corps
Rejoints pour accomplir
L’indécente union, teints des frêles rayons
Qu’un pauvre astre inquiet pleure à genoux.

Cours, vent berceur sur la mer ouvrant liquide l’ondoiement serein jaillissant au milieu des jardins marins.
Cours, l’aube claire illumine l’ample caresse effleurant sans fin l’ivre écume tiède charriant un flot d’errances, frissonnant.

Tendus, nos bras offerts librement
Tournent sous l’immobile arceau froid d’un ténébreux tombeau.
Ils répètent ce brusque délire qui
Parcourut l’âme et la déchira.
Plus de détresse crispant nos nuits
Ni de serment d’éternel sort contraint, courbant à vie.
Car d’homme et femme est reçu, double, ce sang,
Breuvage merveilleux,
Voluptueux ferment.
Fort nos bouches de jaspe, chantant,
Nomment la mort jumelle douceur.

ronde-janv-2019_Sherazada_y_el_sultan

Vous pouvez entendre une version de ce poème chantée par l’auteur.


Ce poème, une nouvelle participation à La Ronde, échange bimestriel entre blogs dont le thème était cette fois le mot « musique », est paru sur le site « La vie de Joseph Frisch » .
Je l’ai obtenu à partir du troisième mouvement de Schéhérazade, de Rimski-Korsakov, dont il emprunte le titre, en appliquant la contrainte harmonique . C’est ici la version douce de cette contrainte : à chaque note du morceau correspond une syllabe du texte, qui doit comporter une lettre déterminée par la hauteur de la note. Par exemple « la » impose l’une des lettres a,h,o,v; « si » impose b,i,p,w ; etc. La première strophe correspond à l’exposition initiale du thème commençant par un si, la seconde au solo de clarinette, la troisième comme dans le morceau reprend le thème en partant sur un fa.
L’illustration est empruntée à Wikimedia Commons et représente une oeuvre de Sani ol-Molk (1814-1866)

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