Sonate des vents

le mistral
allegro

long front noir
le vieillard rebelle
qu’incivils gamins osent croire
calot loufoque fournissant son look trop royal
vivante éolienne lance en plein vent cent antiennes zen tranquillement planantes

mistral souffle
danseur insensé
court tout autour sonore fou
estoc massif sa bourrasque saoule drosse assomme

dans la foule
insensiblement
monte un ronronnement nouveau

l’œil luisant
rires étoilés

rien ne ment

l’autan
scherzo

arbre mort
horrible tronc creux
où s’engouffre un vent magnétique
porteur de senteurs violentes de bois calciné
et des lointains appels de villageois environnés de flammes phosphorescentes

en ton creux
des tiges de lierre
vibrent cordes de lyre torse
autan les frôlant accompagne une stance triste

des fumées
que le sol expire
tournent autour de ton calvaire

dans le soir
ton ombre s’allonge

et s’efface

l’aura de méije
adagio

pâturait
au champ la rava
j’y marchai ravi par l’air vif
fluait pur l’amical ru qui murmurait furtif
à l’ubac vacilla l’ambigu rai fractal qui brillait jailli du puy brumal

du midi
aura balaya
l’amuï palud au fayard
ah m’y rafraîchir aplati à l’abri du mur

ci parut
quidam laid griffu
l’air abrupt l’habit mal fichu

il parla

j’ai du walhalla
vu la paix

les tramontanes
presto

ondes longues
pollens envolés
étirions nos rondes frondeuses
indociles sauvageons épousant tramontanes
ô dévorants foehns déconstruisant nos processions en tournoiements ensorcelés

bohémiens
longtemps menottés
découvrions en nos mouvances
océans grondeurs torrents vignobles rougeoyants

nos conquêtes
nos emportements
sombrèrent en profondeurs noires

secouant
nos cornes rognées

ondoyâmes


Il y a quatre ans j’avais proposé la forme sonate, consistant à composer quatre mouvements appliquant des variantes d’une même contrainte, plus ou moins fortes : l’adagio sur une contrainte douce, l’allegro sur une contrainte très forte. Voir par exemple la Sonate à Bell-Meucci.
J’ai eu l’idée d’emprunter à Hervé Le Tellier l’idée d’une classification des mots selon la présence dans leurs lettres des quatre vents N, S, E, O ( « Le vent de la langue », Anthologie de l’Oulipo p. 532 ). Ainsi un mot « calme » ne contient aucune de ces lettres, sinon il est « agité ». Le « vent » d’un mot est la direction résultant des vents qui le composent. Par exemple Allah, Jehovah et Satan sont de vent nul tandis que Dieu est de vent E et Zeus est de direction SE. Ceci permet de parler de mots de même direction.
La sonate ci-dessus est formée de quatre mouvements :
Allegro : dans chaque vers tous les mots sont de même direction
Scherzo : tous les mots sont agités
Adagio : tous les mots sont calmes
Presto : les mots de moins de 3 lettres ne contiennent que des vents; les mots de quatre lettres et plus contiennent les quatre vents parmi leurs lettres.
Après coup j’ai constaté que le scherzo n’est pas très difficile et que l’adagio n’est pas aussi facile qu’on l’imaginerait ! Le distinguo dans Wikipédia entre « la Tramontane » et « les tramontanes » m’a soufflé le pluriel nécessaire pour respecter la quatrième contrainte.
La forme des poèmes est le bigollo , dans lequel j’ai supprimé le refrain imposé aux vers de cinq syllabes, entorse déjà faite dans les précédentes sonates, et que je trouve finalement assez heureuse.
Posté sur la liste Oulipo le 3 mai 2017.

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