La ronde de mai

En foulard blanc tournent les mères
L’œil débordant de larmes folles
Pas trébuchant de place en place

Pas d’arbre de mai sur la place
Pas d’enfant dans leurs bras de mères
Il n’y a qu’une ronde folle

Elles disent la chasse folle
Où le gibier saigné sur place
Tombait loin des yeux de sa mère

Au lampadaire danse folle
En un frénétique surplace
Belle et pitoyable éphémère

A son horloge la commère
Regarde en biais l’aiguille folle
A reculons qui se déplace

L’obscurité coule et remplace
En ce jeudi plein de chimères
Les images jaunes et folles

Que cherchent arpentant la place
En foulard blanc ces lentes mères
Que le passant traite de folles

Sans un regard aux gaietés folles
Aux fleurs écloses de la place
Au poupon qui tête sa mère

L’ombre dont elles furent mères
Accompagne leur jambe folle
Et de silence emplit la place


La ronde, échange circulaire bimestriel entre blogs sur une idée d’Hélène Verdier et Dominique Autrou, paraît aujourd’hui. J’accueille avec un grand plaisir le beau texte écrit par Quotiriens, tandis que ma contribution paraît chez Gilbert Pinna.
Le thème est toujours un mot unique. Cette fois-ci : « Mai »
Ce texte est composé selon la contrainte de la terine: les trois mots « mères », « folles », « place » apparaissant en fin de vers subissent à chaque strophe une permutation de Queneau dont le schéma est le suivant : 123 -> 312 -> 231. De plus j’ai appliqué la même permutation sur les groupes de trois strophes : on peut parler de « terine de terine ». Les mots choisis sont tous trois associés au mouvement des « Folles de mai » ou « Mères de mai »,en Argentine, dont les enfants avaient disparu sous la dictature et qui ont dénoncé les atrocités du régime en effectuant une ronde chaque jeudi sur la « Place de mai ».
Posté sur la liste Oulipo le 15 mai 2015.

Le prix de la vie : Précédent Suivant