le poète doit mourir

Sept raisons pour lesquelles dois mourir

Pendant sept jours ils m’ont crié :
Tu fais la guerre à Allah !
Samedi, parce que tu es un arabe,
Dimanche, parce que tu es d’Ahvaz
Lundi, rappelle-toi tu es iranien
Mardi : tu te moques de la sainte et sacrée Révolution
Mercredi, N’as tu pas levé la voix pour d’autres ?
Jeudi, tu es un poète et un baladin
Vendredi : Tu es un homme, n’est-ce-pas assez pour mourir ?

[ Poème de Hashem Shaabani ]

hiver long
ô combat cruel
détenu mourra : vois l’édit
quand d’or fin soir parera le sable de l’arène
chair os nez brisés sueur avant bras ligotés va, écriveux délirant, va !
va poète
des murs sors sali
ton impossible mort franchis
sur l’arche pends ballant corps démembré fin fétu
la morsure
de l’ogre altéré
bée du cou aux jambes en sang
quand du fauve
l’ivre armada rôde
en grognant

nul n’a vu venir l’effarant ictus nouant corps

bondir fou
oser parler libre
aux braves qu’on dit ombrageux
offrir l’onde calme caressée de vents légers
où siffle l’imprévu tapage barjo qui érige l’inversion l’art et l’aube
vivre l’art
muser loin loin loin
sucer l’os ta lèvre écartant
cueillir les épis fameux parés de blanches gemmes
vivre enfin
rire au chant du barde
et tendre aux francs humains le vin
va devant
ne recule pas
tu grandis

le cri glaçant monta mua se tut

un lourd joug
interdit d’écrire
sage diktat d’un corps prudent
il faut conduire à l’enfer l’inscrit simili dieu
la folie l’infamant langage du parolier fier inocule âpre graine ivre
faim du mot
poison trafiqué
ce fiel appâtant l’instinct vil
et ce poétisant rêve imprégné de l’esprit
inscrivez
au rang des périls
libre vers à suave son
indolent
sa menace pèse
misérable

soir tombant cadavre tassé gisant

au couchant
toi l’éprise crie
ils ont déjà du mari mort
en tas sur la noire terre ils ont son corps divin
drapé d’un gros fil torsadé le laissant déchu spolié inconnu radié
là ce soir
revis le roman
d’un soir où rencontras le rêve
vibrant de l’ami solide l’effendi poète
sèvre sein
brise miroir gris
des caresses éliminée
le grand vent
rit sur ton dur lit
dévasté

vermine décrit chemins bruns coulante bavante gigote

vent sauvage
suroît des ciels vifs
mots qui dérangent nos lubies
sans peur poésie sort d’où l’origine vira
du jour elle démet l’axe tirant du froid rouage poli ce fil qu’on tient
l’imprudent
par un trou franchi
quête l’inexploré sans clé
sorti d’ombre il épouse l’invisible indiction
incisif
il est l’écrié
il cible l’hiver s’étiolant
un grand voile
se fend et l’été
enfin sort

dans un tas de gravats la fin l’oubli


La fin tragique du poète iranien Hashem Shaabani exécuté le 27 janvier 2014 m’avait déjà inspiré un court hommage dans le lipoméride du 20 avril. J’ai voulu lui consacrer un poème plus ample. Ce texte est composé de cinq bigollos, et suit la contrainte du jeu de la vie: Nous partons du texte écrit par Hashem Shaabani qui figure en exergue, et chaque partie tire ses voyelles de l’application de cette contrainte. Les jeux de voyelles successifs sont donc les suivants:
eaiooueueeoiouieaeouioieuaiaueeaaaaeiaeueueuaaeiaeaeueueaauiaeeoiueiaieaiueoueeaaieeaeeeouioeeiauaeeaoiouaueeuiueuoeeeuaaieeiueuoeeeaaeououi
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Chaque bigollo est suivi d’une ligne composée avec les voyelles en surnombre.
Posté sur la liste Oulipo le 30 juin 2014.

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