Valise de style

Dans l’S, à une heure d’affluence. Un type dans les vingt-six ans se penche. Il voudrait attraper sa valise. Chapeau mou avec cordon, que convoitait, c’est sûr, le ruban. Cou trop long comme si une horde d’escrocs lui avait tiré dessus. Il se penche et alors les gens descendent, à sa grande surprise. Le type en question s’irrite : il ne trouve aussi sec qu’un sac voisin de vieux fayots.

On vous fait reproche de bousculer une orde marchandise qui se plaît chaque fois à flouer quelqu’un. Ton pleurnichard de pauvres provinciaux. De la mort on vous greffe qui se veut méchant. Comme il voit une orde place libre, bâtardise : la mite se précipite dessus. A grignoté tissus os et rideaux !

Deux heures plus tard, devant la boue urbaine on retrousse sa cotte. Je rencontre le lâche cour de Rome. La gare Saint-Lazare peut arguer de sa mine pâlotte. Lorsqu’un camarade voit la gadoue, il lui dit : « cherche le purin : on regrette la fin. Tu devrais faire les agrestes bicoques. On mettait sans façon un bouton supplémentaire à ton pardessus. » Il lui montre ses plus infectes loques où l’écu de vair ou d’or à l’échancrure ne dure qu’un matin : « pourquoi ? »


Comme chaque année le site Zazie mode d’emploi consacre une page à un membre de l’Oulipo, déclaré « Oulipien de l’année » dont un texte est soumis à la créativité de tous ceux qui veulent en donner une version en appliquant les règles de son choix. Cette année, l’Oulipien de l’année est Raymond Queneau, dont un des Cent mille milliards de poèmes est ainsi proposé.
Cette nouvelle contribution est une hybridation entre le premier des Exercices de style de Raymond Queneau, « Notations », et le sonnet proposé sur la page de l’Oulipien de l’année : le présent texte est formé d’extraits de chacune des deux sources, en respectant l’ordre .
Posté sur la liste Oulipo le 7 octobre 2019.

Oripeaux : Précédent Suivant