passage

dans le soir
dès que le soleil
passe derrière la montagne
une ombre silencieuse passe l’étroite brèche
invisible sous le lierre et les ronces odorantes du mur de pierre sèche
vers la courette heureuse en débauche de roses trémières et de basilic sous les roucoulades paisibles du pigeonnier

un vieil homme
sur son banc de bois
à l’ombre douce du tilleul
a passé l’après-midi les mains sur les genoux
le regard passant de la fente du mur au sac de jute sur la table en fer

lorsque enfin
devant ses yeux passent
les fripes sales du fuyard
le vieux passe de l’ombre au jour du silence au rire
d’une immobilité froide à l’agitation soudaine du père bras ouverts
sans un mot ses doigts passent longuement sur le front tellement rêche sous l’action du gel des maladies et du combat pour la vie

dans la nuit
calme et parfumée
passe une brise consolante
toute vibrante de la stridence des grillons
sur le havre en suspens d’une cour absente un bref instant de la course du monde

de la main
gourde et maladroite
avec un petit tremblement
vers la paume au lacis d’effrayantes cicatrices
le cadeau passe oh pas grand chose juste quelques bribes du temps des saisons pleines

par les yeux
du fils et du père
sans une phrase sans un rire
passe fugitive une étoile d’un bleu très clair

puis très vite
le rebelle passe
son manteau pour la route abrupte

sur son banc
un homme très seul

le temps passe


Ce bigollo constitue un second essai de monoverbalisme : le seul verbe autorisé est « passer ».
Posté sur la liste Oulipo le 5 novembre 2018.

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