Journal 2018

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18 décembre : Journée internationale des migrants. De façon étonnante, il n’en a été nullement question sur les ondes. Un palindrome-express :

Monta dans la barque
Vers de meilleurs cieux.
Le vent sa voile arque :
Tressaille, radieux.

Moralité :
Elu mer. Tel lièvre, migra. Le fol n’osa rêver à son lof élargi. « Merveille ! » trémule.

14 décembre : Anagramme respectueuse :

houellebecq aime trump
« quel bel homme ! » cria …

10 décembre :  Anagramme pour soixante dix ans :

la déclaration universelle des droits de l’homme
héros mal décalés méditent l’avenir d’or du soleil

11 novembre : Pour cette date, centième anniversaire de la paix de 1918, on annonce un hommage aux maréchaux victorieux (notamment Philippe Pétain). Un bigollo :

on a cru
que cent ans après
le onze novembre pourrait
devenir la célébration des peuples en paix
que le silence des feuilles d’automne effacerait à jamais le bruit des armes
que par les vallons baignés de soleil de la terre généreuse un sillon gras ferait jaillir non le fer mais la gerbe dorée

on pensait
que chaque pays
en ce jour où l’on se souvient
allumant un fanal dirait halte aux barbaries
tendant de capitale en capitale une guirlande aux couleurs de l’amitié

mais voilà
notre président
exalte les vaillant guerriers
ceux qui flanquèrent au boches une pile monstre

maréchaux
vainqueurs glorieux
qui versèrent un flot de sang

au pas marche
ce président bleu

horizon

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9 novembre : Centième anniversaire de la mort de Guillaume Apollinaire.

Macron veut panthéoniser
Un grand écrivain qui naguère
Fut touché par la grande guerre ?
Cent ans après que Calligrammes
Soient orphelins, par ce pangramme
Je suggère un alcoolisé.

Qui fut Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky ? – Je sèche.

1er octobre : Charles Aznavour s’est éteint aujourd’hui.

Charles Aznavour
n’usa l’or. Va chez Ra.

26 septembre : On apprend qu’un défenseur des migrants, Loan Torondel, a été condamné à une lourde amende pour diffamation pour avoir dénoncé les confiscations de couvertures aux migrants. Un bigollo :

Silence

il a vu
ces hommes perdus
ces hommes qui sont rejetés
ces hommes que la loi permet de faire souffrir
il a su tout de suite qu’il ne serait pas possible de garder le silence

il a dit
cette vérité
dont la loi défend de parler
juge que ton verdict sème peur et soumission

comme brille
la cuirasse noire
des agents du camp de la haine

qu’ils sont beaux
les champs où l’on sème

le désert

Voir la page de ce texte

19 septembre : Une belle personne nous a quittés.

Marceline Loridan-Ivens :
Vol, ne dis ni race ni larme.

15 septembre : Nouvelle parution de La Ronde, un échange entre blogs, chacun écrivant chez le suivant. Aujourd’hui le thème est « arbre ». J’accueille avec plaisir le souriant texte de Jean-Pierre Boureux :

Une espèce d’arbre fort bien introduite puis acclimatée.

Celui qui cache la forêt ne m’intéresse en rien puisqu’il masque une sylve apprivoisée et toujours exotique à mes yeux. Non plus celui des cames dont j’oublie l’existence et qui m’effraie dans l’expression de sa rudesse technologique.

Alors lequel retenir avant tout essartage ? Et bien une fois de plus je vais m’en tenir à ce que je connais le mieux, une branche de la culture étiquetée histoire et l’un de ses rameaux greffés nommé histoire de l’art.

Traditionnellement représenté écrasé par le poids de la généalogie biblique, en position couchée il gît endormi ici et là, très souvent, entre le XIe et le début du XVIe siècle. Rien qu’en France la banque de données « Palissy » compte 216 figurations de cette espèce végétale particulière. Sous forme de charade il se présenterait ainsi : mon premier est une lettre tout comme mon second alors que mon tout exprime une tentative. Vous y êtes : Jessé.

ronde-sept-2018_VerriereJesseW.jpg

A Beauvais dans l’église Saint-Etienne, Enguerrand le Prince, maître-verrier de la cité, place à sa droite François Ier et à sa gauche Charles-Quint, rare et prestigieux accompagnement tandis qu’au sommet triomphe Marie, dans une verrière datée de 1520. Bien entendu une branche branche sur son fils David chanteur et enchanteur divin plus que guerrier épouvantable ; Orphée surpasse alors Goliath dans la correspondance iconographique. Souhaitez-vous voir des représentations contemporaines ? Le choix existe, je pense à l’instant à Braque pour Varengeville et à Chagall pour Reims mais cet arbre est encore une inspiration fréquemment plantée en divers lieux. Espèce relaxante elle s’intègre bien dans la quête très mode de bien-être par la dendrothérapie. La pratique sans danger va de plus rassurer votre descendance. Chute de l’histoire : il ne saurait y en avoir puisque vous savez d’avance à quelle branche vous raccrocher.

ronde-sept-2018_JesseDavidW.jpg

Beauvais, église Saint-Etienne, verrière de l’Arbre de Jessé par Enguerrand Le Prince, 1520.

Voir la page de ce texte. Pour ma part j’ai la joie d’être accueilli sur le beau site d’hélène Verdier pour « l’enracinement »

10 septembre : « Des papous dans la tête » a disparu de France culture. Sur le livre d’or plein de regrets j’ai écrit une anagramme :

Tel peste, posas Dada nu.

16 août : Pour marquer mon retour :

ivre d’avoir chanté de cent bouches ardentes
la mort et la chaleur la terreur et l’amour
je reviens avec vous goûter le point du jour
dont le feu danse avec les fous et les démentes

17 juillet : Les quinze jours à venir seront consacrés à l’organisation avec mon ensemble vocal d’un concert hors norme à Chambéry. Un mot d’excuses en sélénet holorime :

Aube onc, à ma rade,
L’ancre ai dû lever.
Ô bons camarades,
Lent, crédule, vais.

Mon devoir m’écarte.
De retour saurai,
Monde, voir mes cartes :
D’heureux tour sort est.

10 juillet : Victoire en demi-finale.

ce n’est pas leur faute
si le sang colle au ballon
ils ont bien joué

4 juillet : Mort de Georges-Emmanuel Clancier.

Ce signe menu, graal morcelé :
Georges-Emmanuel Clancier

26 juin : En réaction à une actualité scandaleuse aux États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, où des migrants se sont vus arracher leurs enfants envoyés en centres de rétention :

zèle des exécuteurs

zele-des-executeurs

21 juin : Fête de la musique

fête

aria
boléro
croche dièze et fandango
guitare
harpe
insolent jazz klaxonné
lento
majestuoso
notes ostinato percutées qui roulent
scélérat
tintamarre
unissant viole wood-block xylophone
yodels zutiques

14 juin : Lancement de la coupe du monde en Russie.

des footballeurs dit-on s’affrontent
chez le dictateur au cœur noir
sur l’écran je mets l’éteignoir
que les gagnants boivent leur honte

4 juin : Anniversaire du massacre de la place Tien An Men.

Place nette

par      le      plus   beau    juin la      nuit prend  place
tanks    tout    de     go      1    sang    dû   le     tien
et       courent mille  tombent 9    meurent 3    quel   an 
armes    contre  jeunes par     8    fois    au   pleur  men
blanches heures  tués   nus     9    0       4    gisent là

Voir la page de ce poème dans laquelle on trouvera également reproduit un poème d’Alain Chevrier, source du présent texte.

 

15 mai : Pour la nouvelle édition de La Ronde, sur le thème des souvenirs, j’accueille avec joie Hélène Verdier :

FAUX-DORMANTS

À mesure que je précisais l’itinéraire, c’était comme si je l’avais déjà suivi et je n’avais même plus besoin de consulter l’ancienne carte d’état-major. Mais était-ce vraiment le bon chemin ? Dans vos souvenirs se mêlent des images de routes que vous avez prises et dont vous ne savez plus quelles provinces elles traversaient. *

SOUVENIRS DORMANTS

Patrick Modiano

2017

* explicit du roman.

Les autres textes en italiques sont extraits

de la première phrase de chaque chapitre.

ronde-mai-2018-Illustration-Helene-Verdier

Un jour…

un ami m’a offert un livre. Un roman.

J’ai longtemps…

accroché aux branches des arbres, qui seraient forcément d’une seule espèce, celle des pins noir d’Autriche, des souvenirs, uniques ou répétés, portés par des couleurs, des odeurs, qui parfois peut-être n’ont jamais existé, transfiguration ? et par extension, « si tu te figures que… »

Vers…

quinze ans, j’ai lu, « Adieu mes quinze ans » de Claude Calame, enterrant déjà avant achèvement tout le temps écoulé, dans une routine bercée de 7 ans de lycée, de préaux, de sonneries, de saisons, de vacances, de chemins empruntés vers le col de l’exil pour entre plaine et montagne du Languedoc,

Le moment de la journée que je préférais…

et que je préfère toujours, c’est le petit matin, celui de la sortie des limbes, où l’on se reconnait, recollant les morceaux des rêves de la nuit déjà en partie oubliés, parmi lesquels parfois je retrouve les maisons d’autrefois, celles où j’ai vécu et la cour du lycée — lycée Georges Clémenceau ou les affres du bac —

Elle…

est ma mère dans sa robe d’été bleue à pois blancs, adossée à un arbre, un sourire aux lèvres inscrit dans une photographie en noir et blanc,

Geneviève, (…). Et cela pour l’éternité…

Geneviève, dit-il, …

j’ai beau chercher, je n’ai pas connu de Geneviève, sauf peut-être, au temps de l’ORTF, l’actrice Geneviève Page ? Le prénom n’était pas porté dans la famille, (trop parisien peut-être ?).

Geneviève (…) régulièrement,

Geneviève encore — associée à l’éternité, et au régulier des jours —

À partir du jour où…

Chez…

Mais je n’ai pas attendu le jeudi suivant pour « en savoir plus »…

Six ans plus tard…

Je tente de remettre de l’ordre dans mes souvenirs…

Je devais voir une dernière fois…

Au cours de cette période de ma vie…

Juin. Juillet 1965…

Nous franchissions rarement la frontière du côté sud…

mon père disait qu’il ne franchirait jamais la frontière espagnole tant que Franco était au pouvoir en Espagne. Un jour, bien longtemps après cet événement, vers 1998, nous avons pris la voiture et sommes allés à Cadaquès. Lumière blanche et falaises de pierre verte sur la mer. Il était vieux, malade, anxieux et, assez vite, il a voulu repartir. Plus tard, il a raconté inlassablement cette épopée à qui voulait l’entendre. Discordance des temps.

Le soir…

Un après-midi…

Je me demande si le souvenir lointain et confus d’un après-midi d’été…

en ce mois juillet 1968, nous sortions des amphithéâtres enfumés, gavés de discours verbeux, chats aveuglés par la lumière de l’été, enivrés par l’air de la montagne de Bédarieux. Les moniteurs des centres d’entrainement aux méthodes actives et spécialistes des dynamiques de groupe qui encadraient ce drôle ce stage — quelle obscure raison m’avait donc conduite là ? — nous avaient pourtant bien prévenus, le troisième jour était le plus difficile. Le troisième jour la crise était au rendez-vous au motif du partage inéquitable de la cueillette collective des fraises des bois. Alors chacun s’en retourna chez ses parents, sur le champ, sagement. Paradoxe du temps, c’est ici que s’acheva l’enfance.

L’année dernière…

Bien qu’elle n’ait jamais été identifiée…

Entre les pages d’un roman…

comme des marque-pages, j’ai trouvé des mots. Avec ces mots j’ai tenté de construire la menuiserie toujours inachevée des dormants et faux-dormants souvenirs qui ne dorment que d’un œil dans un silence de cathédrale, les souvenirs font semblant. Tout semble enfoui. Parfois je gratte les alvéoles, à moins qu’ils ne s’imposent à l’occasion quand surgissent des mots ou des images.

Je tente de remettre de l’ordre dans mes souvenirs (bis)…

Travail en cours.

Voir la page de ce poème

Au même moment paraissait dans la Ronde mon poème « Trois amis » en acrostiche sur un poème de Paul Eluard, publié sur le site de Jacques « La vie de Joseph Frisch » et qu’on peut également lire ici.

9 mai : La décision démentielle de Donald Trump de déchirer l’accord international sur l’Iran sonne comme un camouflet aux prétentions du président français.

Freluquet se pensait le maître de l’enfer
Et croyait des leçons donner à Lucifer
Celui-ci caressant de sa patte de fer
Son fessier lui aura branle cuisant offert

1er mai : Début d’un nouveau recueil « Systoles », rassemblant « des poèmes pour une humanité dont le cœur battrait ». L’ouverture de ce recueil le jour de la fête du travail est de très heureux augure. Un premier poème :

Les souvenirs d’une mère

Je me souviens…

Elle reste pensive un instant, pressant contre son sein la tête bouclée de son tout petit.

Je me souviens qu’avec ce chauffe-biberon mal réglé, ce serait prudent de verser sur le dos de la main une goutte de lait pour contrôler la température.

Je me souviens que les bretelles de ta salopette glisseraient sans arrêt et qu’il faudrait à l’aiguille faire un point pour les fixer.

Je me souviens que ta maîtresse vous aurait fait confectionner un cadeau de fête des mères avec un rouleau vide de papier Q.

Je me souviens que ton numéro de sécurité sociale commencerait par 1 puisque tu es un garçon, et qu’une copine s’en serait vexée.

Je me souviens que les yaourts avec de vrais morceaux de fruits, que tu détesterais, ne comportent aucun colorant artificiel.

Je me souviens des enceintes bluetooth dont tu m’expliquerais en vain l’utilisation.

Je me souviens qu’il est interdit de démonter le silencieux de son scoot ; que tu aurais essayé ; que dans le commissariat l’agent de service aurait souri gentiment devant ma honte.

Je me souviens que tu n’aurais pas le droit d’entrer au lycée avec un jean troué.

Je me souviens que pour Halloween un déguisement de Jack O’Lantern pourrait chercher dans les 40 euros mais qu’on pourrait se débrouiller soi-même pour bien moins cher.

Je me souviens de tes caresses et du surnom que tu m’aurais inventé.

Je me souviens qu’on pourrait aller jusqu’à six dolipranes par vingt-quatre heures.

Je me souviens que le carré de l’hypoténuse serait égal si je ne m’abuse à la somme des carrés des deux autres côtés.

Je me souviens qu’on ne mettrait pas les coudes sur la table en mangeant.

Je me souviens des capotes découvertes dans ton tiroir, et de ta colère en apprenant que je l’aurais ouvert.

Je me souviens de la caution solidaire et de cette page inintelligible que je devrais recopier entièrement à la main lors de la signature du bail du petit appartement dans lequel tu emménagerais.

Je me souviens qu’à ta première embauche tu m’expliquerais tout sur la période d’essai mais que tout à mon bonheur je n’écouterais rien.

Je me souviens que cette fille déjà venue la veille serait juste une copine et qu’on aurait bien le droit de recevoir des amis quand même !

Je me souviens de ton rire de triomphe lorsque tu brandirais devant moi la médaille que tu aurais ramenée du cross régional.

Je me souviens que tu aurais peur du noir et que je laisserais une petite lumière.

Je me souviens…

Le jeune soldat lui touche doucement le bras. Elle laisse reposer la tête aux grands yeux étonnés. Elle regarde le fonctionnaire visser le couvercle du petit cercueil blanc.

Elle se retourne pour s’éloigner, très lentement, pressant sur son cœur le tricot de laine que bigarre une tache brunâtre.

Voir la page de ce poème

1er mai : Les travailleurs manifestent leur colère.

brouillard au vent cède
les poings se lèvent les têtes
et la terre gronde

27 avril : Il y a 170 ans suppression de l’esclavage.

on a déchiré
le linceul où suffoquait
lacérée une ombre

13 avril : Après la conférence du Président de la République à la Conférence des Évêques de France.

L’Emmanuel met
La République en marché
Prêtre, dis amen

Prosterne-toi devant l’Arche
De la Nouvelle Alliance

6 avril : Mort de Jacques Higelin. Anagrammes :

Jacques Higelin
lâche jigs : quine.
Qui ? – Lâche, j’en gis.

3 avril : Participation massive au premier jour de la grève périodique des cheminots. Un haïku :

dans la nuit de glace
salut à vous cheminots
claire est votre flamme

23 mars : Anagramme à l’occasion d’une déclaration stupéfiante de Philippe Pétel, doyen de la fac de droit de Montpellier, soutenant une action violente aux relents d’extrême droite au sein de son établissement :

Philippe Pétel, doyen de la fac de Montpellier.
Le dol pénal cède fol myrte de Philippe Pétain.

19 mars : La campagne de crowdfunding de l’Ensemble 2021 entre dans sa dernière ligne droite: plus que 12 jours pour soutenir le projet VoCE 2018, création mondiale d’un oratorio de Thierry Machuel, et nous aider à accueillir plus d’une centaine de choristes européens pour un évènement unique en son genre.

Création de Mémorial, un oratorio pour l’Europe

15 mars : Nouvel opus de La Ronde, échange entre blogs, avec cette fois pour thème « Dialogue(s) ». J’accueille avec joie Franck Bladou :

Dialogue avec mon ennemi, mon frère

Je suis, comme l’a pu être avant moi Francis Bacon, et probablement aussi à cause de lui, de sa propre obsession, fasciné par le décorticage stroboscopique de l’assassinat de JFK à Dallas, le 22 Novembre 1963. Le défilé des images en couleurs, grossies, du drame qui s’est déroulé ce jour-là fut le prétexte d’une analyse balistique pour prouver l’existence d’au moins deux ou trois tireurs, ce qui a alimenté la thèse du complot. Comme si il y avait besoin de preuves pour l’affirmer. Qui donc, fou, désaxé, va calmement ajuster un tir professionnel à plusieurs centaines de mètres de sa victime et lui faire éclater le crâne dans une voiture en marche? Le plus gros maquillage de l’Histoire, un crime en direct, mitraillé par des dizaines de photos et de films amateurs, dont le plus connu dit de Zapruder, pris par la foule présente au moment des faits sur le trajet du convoi présidentiel. Un image par image terrible du drame en a été tiré , la 305 jusqu’à la 312, Jackie, inquiète, se penche vers son mari qui presse ses mains sur son thorax sans comprendre, la voiture avance jusqu’à la 313, celle de l’impact quand le crâne explose en une éruption orange verticale, la 337, Jackie, dans la même position tournée vers son mari, les yeux rivés sur la boîte crânienne déchirée de JFK, la bouche ouverte, les bras entourant ce qui alors n’est plus qu’un corps étrange à moitié décapité, fulgurante vision immortalisée dans les vert anglais, rose et bleu; les suivantes oú Jackie essaye de fuir l’enfer, enjambant le siège et rampant à quatre pattes vers le coffre arrière dans la Lincoln toujours en marche.

ronde-janv-18_Zapruder

L’image crue de chair explosée si caractéristique des portraits de Bacon.

Quelle démocratie assassine ses symboles, tire dans le crâne de ses présidents les plus charismatiques? Il y a, dans l’assassinat de JFK et d’Abraham Lincoln, la même volonté des commissionnaires de ces meurtres de s’approprier la force de l’ennemi et boire dans le crâne ou exposer la tête de l’adversaire devant l’entrée des villages ligures ou vikings.

Une poignée d’ivraie contamine le sac de graines, élimine un président élu en toute impunité, aux yeux de tous. Des quels yeux, quoi de plus naturel, naissent les zombis abrutis d’images sanglantes banalisées voire ludiques pour qui la réaction à la moindre frustration aboutit aux tueries de masse en série. Le cauchemar américain revient en un leitmotiv nauséeux chaque semaine quand les mêmes symboles sont atteints par les mêmes balles, et passent en boucle les images de Zapruder oú explosent en une gerbe sanglante la jeunesse, l’avenir, le progrès.

« I am a painter of the 20th century: during my childhood I lived through the revolutionary Irish movement, Sinn Fein, and the wars, Hiroshima, Hitler, the death camps, and daily violence that I’ve experienced all my life. And after all that they want me to paint bunches of pink flowers … But that’s not my thing. The only things that interest me are people, their folly, their ways, their anguish, this unbelievable, purely accidental intelligence which has shattered the planet, and which maybe, one day, will destroy it. I am not a pessimist. My temperament is strangely optimistic. But I am lucid. » Francis Bacon, interview de Giacobetti, 1992.

ronde-janv-18_Bacon-1986

Voir la page de ce poème

14 mars :  En cette journée de pi (3,14) mort de l’astrophysicien Stephen Hawking : un palindrome

Pi, tel un étalage d’art nu, d’un trad égal a tenu le tip.

Un pangramme hétéroconsonantique :

Caves : jetez y pi fabuleux qu’Hawking dorme.

13 mars : Jour sans E sur twitter. Deux contributions :

Un twoosh 280 :

Aujourd’hui du matin jusqu’au soir
On dirait qu’un courant d’air malin
Court sur nos mots vachards ou câlins.
D’avis jadis clairs ou blancs ou noirs
Qui tout à coup supprimant un son
Fit surgir un jargon polisson ?
Stop Oulipo ! D’un assassin bras
Un air si doux jamais n’occiras.

Un poème libre :

j’avais ma kalach à la main
tu parus dans ta gandoura d’un blanc ivoirin
j’ai vu ton cil battant fort
j’ai vu ton bras m’offrant un amour toujours vif
un avion largua sa cargaison d’obus
l’horizon s’obscurcit
un instant j’ai vu ton front brun dans un halo carmin
j’appuyai mon doigt
raaah ta ta ratata tac rataratatatac
tu disparus dans la fulmination d’un sang noir

8 mars : Journée internationale des droits des femmes. Un renga :

échouée

ses paumes marines
m’auraient offert un voyage
murmurant et vague

en ma nasse je l’enserre
brise son palpitement

sa bouche saline
m’aurait ouvert un abysse
aux couleurs mouvantes

elle se fige en ma glace
au pic j’y grave une loi

fragile coquille
qui referme pour toujours
sa lèvre meurtrie

moi sur le sable souillé
j’imprime une trace noire

Voir la page de ce poème

19 février : Très vif remerciement à Basile Morin, grand créateur d’ambigrammes, qui a mis dans le domaine commun le magnifique ambigramme du mot Oulipo qui ornera désormais la page d’accueil de ce site.

13 février : Lancement d’un crowdfunding

Création de Mémorial, un oratorio pour l’Europe

souffles accordés
des poitrines que soulève
le rire du vent

20 janvier : En hommage à Paul Bocuse décédé aujourd’hui, un poème en anagrammes :

m’as à manger

Élu -coup bas-
A bu opus clé :
Cep bu au sol.
Soûl. Bec pua.

Abus ! Coulpe !

Paul Bocuse
Coupe l’abus.
Poêla suc bu.
 » Ô plus au bec ! »

Voir la page de ce poème

18 janvier : En réaction à un belle page de Giovanni Merloni « Suffit-il d’une visite à Auschwitz pour apprendre à combattre la banalité du Mal ?  » ce message sur twitter :

Le Mal en ses grands bras berce l’âme en chantant
Et l’enfance malade, en sa messe d’antan,
S’attrape à sa caresse. Hélas elle l’attend,
La charrette de l’ange avançant dans l’étang.

15 janvier : La ronde, échange périodique bimestriel de blog à blog. Aujourd’hui le thème est « paysage(s) ». Je suis très heureux d’accueillir Jean-Pierre Boureux :

Paysage

Je le vis tant évoluer au cours de multiples et attentives observations que je me rendis compte que ce paysage, « mon » paysage, avait peu de réalité en dehors de ma pensée. L’observateur rend sensible dans l’instant et comme tangible ce qui évolue en permanence, sans existence autre que celle d’un amoncellement désordonné de matières et d’êtres. Dès lors tout devient paysage, le plus vrai est celui que je crée et il a autant de vérité que celui évoqué par des hommes de plume ou de pinceaux. Ainsi la couleur jaune devient-elle soleil et la rivière Aisne le Nil dans des paysages irréels mais si présents, comme vous le constatez ci-après.

Alain, Propos, L’apparence sacrée, 1er juillet 1933, La Pléiade, nrf, 1956, p. 1166

… « Ce que représente le peintre, et selon toute la force du mot, c’est l’heureux premier moment et la première rencontre ; c’est la jeunesse d’une pensée. … Il balaie le paysage réel ; il nous remet dans le temps sauvage où l’on ne le voit pas encore. Ces collines lointaines, je ne sais ce que c’est et je ne le saurai jamais. … »

Lorsque dans l’année 1956 essentiellement, Pablo Picasso réalise une série d’une douzaine de toiles : « Les Ateliers », un an après sa série des « Femmes d’Alger » il leur a donné pour nom : « Paysages d’intérieur ». Picasso a peint peu de paysages, ci-dessous : « Paysage nocturne » une huile sur toile (146 x 114 cm) exécutée le 26 septembre 1951.

LaRonde-janv18-PicassoPaysageNocturne1951Hst146x114.jpg

« … Il y a des peintres qui font du soleil une tache jaune, mais il y en a d’autres qui par leur pensée et leur talent, font d’une tache jaune le soleil. » Picasso.

Klaus Gallwitz, Picasso Laureatus, son œuvre depuis 1945. La Bibliothèque des Arts, Lausanne et Paris, 1971, p. 51

Lisons encore, transportés dans un inattendu paysage, les réflexions du naturaliste, théologien et en la circonstance, brancardier et combattant Pierre Teilhard de Chardin. Il vient de quitter le Chemin des Dames et se souvient des jours d’avril à juin 1917, où lors de périodes de repos il séjournait parfois au-dessus des rives de l’Aisne. Il sculpte par mots un panorama mémorisé depuis la « côte 162 » immédiatement au-dessus du village de Révillon (Aisne), l’une de ses haltes paisibles. [localisation = J.-P. Boureux]

 « Et mon rêve se précise. La crête dévastée dont la silhouette, de plus en plus violacée, meurt dans le jaune pâlissant du ciel, est devenue tout à coup le plateau désertique où j’ai si souvent nourri, comme en un mirage, mes projets de découverte et de science, en Orient. Devant moi, au-delà des prairies, voilées de brume naissante, où les coudes de l’Aisne font des taches laiteuses, la crête dénudée du Chemin des Dames se détache, nette comme une lame, sur le couchant doré, moucheté de drachen. … L’eau qui blanchit dans la vallée, ce n’est plus l’Aisne : c’est le Nil, dont le miroir lointain m’obsédait jadis comme un appel des Tropiques. Je me crois maintenant assis au crépuscule, vers El-Guiouchi, sur le Mokkatam, et je regarde vers le sud… » [banlieue du Caire]

Pierre Teilhard de Chardin, La nostalgie du front in Ecrits du temps de la guerre, Grasset, 1965.

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Révillon, Côte 162, rives d’Aisne en-dessous du Chemin des Dames, aquarelle J.-Pierre Boureux

Pour ma part j’ai le bohneur d’être accueilli par Giovanni Merloni pour « le mur d’en face »
le mur d’en face

la fenêtre
donne sur la cour
Ram voit à travers les carreaux
le mur aveugle où rien ne vient trancher sur le gris
sauf une humidité phosphorescente et du pigeon cette coulure laiteuse
il s’assied pose à côté de lui son sac vide et son manteau de grosse laine il regarde l’autre côté de la cour et ce mur

et ce mur
qui n’a jamais vu
le ciel ouvre sans prévenir
une transparence où sous un soleil de velours
Ram reconnaît au centre du hameau son toit de tôle sa porte et le banc bleu

sous le pont
le torrent qui danse
sur la place hurlent deux chiens
autour les bambous dressent leur mystère immobile

sur l’asphalte
deux corps dénudés
son père et sa petite sœur

Ram a froid
il se lève et ferme

le volet

Vassily_Kandinsky,_1932_-_Unequal

Voir la page de ce poème chez Giovanni Merlonisur ce site

10 janvier : Un jugement condamne une femen pour exhibitionnisme. Ce pangramme (un peu long !) reprend tous les mots d’une phrase célèbre.

Ce vieux juge, de femme ayant poitrine nue,
Fumant de rage, a fustigé l’exhibition.
Son whisky bu, porta l’estoc avec passion.
Devinez qui est blond : la réponse est connue !

Voir la page de ce poème

1er janvier : Après les vœux de notre président :

#questcequejepeuxfairepourlepays réponse pour quatre matins :

Contribuer à le débarrasser de ses parasites
Démasquer leur serviteur mis à la tête de l’Etat
Avec tous ceux qu’ils veulent asservir relever la tête
Abattre les temples de l’argent bâtir celui du bonheur

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